The Wayback Machine - http://web.archive.org/web/20111212051741/http://www.nationalgeographic.fr/actualite/matiere-noire-polarisation-gravitation-vide-quantique/7910481/

Une “révolution scientifique” ?
La matière noire pourrait ne pas exister !

La matière noire, censée composer plus de 80 % de l’Univers, n’était-elle qu’une illusion ? Un physicien du Cern propose une nouvelle théorie expliquant les mouvements des galaxies. Cette “révolution scientifique” potentielle suppose des particules dotées de charges gravitationnelles opposées.

Photo Hubble : les effets de la matière noire détectés dans une galaxie

La matière noire, ce mystérieux composant auquel les astrophysiciens recouraient pour expliquer au moins les quatre cinquièmes de la masse de l’Univers, n’existe peut-être pas : c’est la bombe lâchée par un physiciens du Cern dans la revue Astrophysics and Space Science d’août. Les effets gravitationnels attribués à la matière noire (ou “matière sombre”; “dark matter, en anglais) seraient uniquement dus aux interactions des particules de matière et d’antimatière.

Le concept de matière noire est né en 1933. Il explique pourquoi les galaxies tournent plus vite que leur masse apparente ne l’implique selon la relativité générale. La force gravitationnelle engendrée par cette matière noire – que personne n’a jamais observée, par définition – permettrait aussi aux galaxies de rester homogènes au lieu de voir les objets qui les composent s’éparpiller dans l’espace.

Le physicien Dragan Hajdukovic, de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) soumet une autre explication. Celle-ci repose sur la “polarisation gravitationnelle du vide quantique”. Le vide quantique correspond à une zone de l’Univers censément vide de matière. Ou plutôt, où ne nous discernons rien. Car pour la physique quantique, même ce vide se trouve rempli de particules virtuelles et de particules d’antimatière.

Quand des particules et des antiparticules entrent en collision, elles s’annihilent en dégageant de l’énergie. Et donnent naissance dans le vide quantique à des particules virtuelles. Ces dernières disparaissent aussitôt qu’apparues. Si vite que nous ne pouvons pas les détecter.

Dragan Hajdukovic a étudié ce qui se passerait si les particules de matière et d’antimatière qui se rencontrent, en plus d’être chargées électriquement de façon opposée, étaient aussi opposées sur le plan gravitationnel. Et ce, à l’encontre de la théorie communément admise, selon laquelle toutes les particules ont la même charge gravitationnelle.

Dans le scénario de Hajdukovic, au lieu de s’attirer, la matière et l’antimatière se repousseraient sur le plan gravitationnel. Ici se situe une autre subtilité: cette “répulsion gravitationnelle” serait tout de même moins forte que l’attraction générée par la charge électrique. Bien qu’opposées sur le plan gravitationnel, la matière et l’antimatière pourraient donc tout de même entre en collision.

Mais qu’est-ce que la “polarisation gravitationnelle” dont parle le physicien ? On sait que des particules ayant des charges électriques différentes peuvent s’associer en dipôles, susceptibles d’être chargés positivement à un bout et négativement à l’autre. Ces dipôles sont orientés dans n’importe quel sens… sauf s’ils se créent en présence d’un champ magnétique. Ils adoptent alors tous la même direction que ce champ. C’est ce qu’on appelle la polarisation. Cette polarisation des dipôles génère à son tour un nouveau champ électrique, qui se combine avec le premier — et le renforce.

Si l’on admet que des particules peuvent avoir des charges gravitationnelles opposées, pourquoi ne pas imaginer ce même phénomène de polarisation avec la gravité ? Des dipôles gravitationnels se formeraient ainsi dans l’espace. Ceux qui naîtraient à proximité d’un champ gravitationnel —par exemple, celui généré par une galaxie— viendraient “s’aligner” sur ce champ. Et le renforcer. Le champ gravitationnel de la galaxie deviendrait ainsi plus important que ce qu’on pourrait supposer en l’observant au télescope.

Bien entendu, cette théorie demande confirmation. Surtout que de nombreuses observations semblaient appuyer l’existence de la matière noire. Ainsi, une photo publiée fin 2010 par la Nasa mettait censément en évidence les effets de la matière noire dans l’amas de galaxies Abell 1689 (haut de page).

Autre exemple : en février dernier, des scientifiques de l’université de Californie ayant recouru au télescope spatial Herschel de l’Agence spatiale européenne annonçaient qu’ils avaient décelé moins de matière noire que prévu dans les galaxies observées (ci-dessous).

Et l’un des rôles du Grand collisionneur de hadrons (LHC) du Cern, cet accélérateur de particules géant qui court sous la frontière franco-suisse, est justement d’en apprendre davantage sur la matière noire – en plus de découvrir le boson de Higgs.

Hajdukovic poursuit ses recherches. Il avance que sa théorie de “polarisation gravitationnelle du vide quantique” permettrait d’expliquer les supposées observations des effets de la matière noire. “Mes prochaines expériences et observations permettront de dire si mes résultats relèvent de surprenantes coïncidences de chiffres, déclare le scientifique à PhysOrg.com, ou s’il s’agit des prémices d’une révolution scientifique.”

Fabien Maréchal

Sources : National Geographic News – Cern – Astrophysics and Space Science – PhysOrg.com
Photo du haut : NASA, ESA, D. Coe (NASA Jet Propulsion Laboratory/California Institute of Technology et  Space Telescope Science Institute), N. Benitez (Institut d’astrophysique d’Andalousie), T. Broadhurst (université du pays Basque, Espagne) et H. Ford (université Johns Hopkins); photo du bas : The Virgo Consortium/Alexandre Amblard/ESA

1 septembre 201117:49


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